La pandémie de coronavirus mérite d’être «lue» à travers la Bible, mais ce n’est pas du côté de l’Apocalypse qu’il faut d’abord chercher, estime un bibliste québécois, qui attire plutôt l’attention du côté des passages sur «l’idolâtrie».
Francis Daoust est directeur général de la Société catholique de la Bible, mieux connue sous le nom de SOCABI. Grand amateur de hockey et de musique rock, il s’intéresse de près à la manière dont la Bible est lue dans le monde actuel.
«Si j’avais à relier la pandémie de la COVID-19 à des passages de la Bible, je n’irais certainement pas du côté du livre de l’Apocalypse, comme le font certains évangéliques qui attendent avec impatience la fin des temps!», lance-t-il. «Nous ne sommes pas à la fin des temps; nous sommes dans un moment qui est une belle occasion de se recentrer sur l’essentiel.»
Un essentiel qui peut se retrouver, dans une société comme celle du Québec, enseveli sous le luxe, l’abondance et la sécurité. Soins de santé efficaces, services d’urgence rapides, paix et stabilité : la vie en 2020 est bien loin de ce qu’expérimentaient ceux qui vivaient à l’époque de la rédaction des livres bibliques.
«On ne se lève pas le matin en observant le ciel bleu et en se demandant s’il pleuvra enfin afin de sauver les récoltes. On ne s’arrête pas de travailler le midi en craignant de mourir à cause d’une bête coupure à un doigt qui pourrait s’infecter. On ne se couche pas le soir en se demandant si nos enfants réussiront à se rendre jusqu’à l’âge de 15 ans», rappelle le bibliste.
«En conséquence, on s’installe confortablement dans une attitude de confiance autosuffisante. On ne fait plus l’expérience du vide et du manque. On devient nos propres dieux», estime-t-il.
Francis Daoust soutient que la pandémie permet de mieux comprendre l’insécurité vécue par les Hébreux et les autres peuples mentionnés dans la Bible, alors que l’espérance de vie se situait à environ 30 ans. Guerres, maladies, violence sociale, sécheresse : les dangers mortels ne manquaient pas.
«Les épidémies étaient particulièrement inquiétantes, dit-il, car elles frappaient rapidement et emportaient un grand nombre de personnes. On ne disposait d’aucune information sur leur origine ou sur la manière de les combattre. Les conséquences pouvaient être atroces, car les ressources étaient pratiquement inexistantes. Ces personnes étaient directement confrontées à leur finitude et à la vanité de leur existence.»
Signe de la prégnance des épidémies dans la Bible, il existe une vingtaine de termes différents dans l’Ancien Testament pour les désigner.
«Il est intéressant de noter que l’étymologie de ces nombreux termes évoque vraisemblablement leurs modes de transmissions ainsi que leurs conséquences. Dèvèr (pestilence) se rattache à la racine d’où proviennent aussi le verbe davar (parler) et le nom midbar (bouche). Nega‘ (peste) se rattache au verbe naga‘ (toucher, frapper). Maggéphah (plaie) a la même racine que le verbe nagaph (frapper). Rèshèph (fléau) désigne aussi une flamme ou un éclair», explique Francis Daoust.
Alors, s’il ne se tourne pas particulièrement vers le livre de l’Apocalypse, quels passages retiennent son attention?
«J’irais plutôt du côté de tous les passages qui parlent de l’idolâtrie, en particulier chez les grands prophètes Isaïe et Ézéchiel, afin de faire ressortir la vanité de toutes les créations humaines qui peuvent nous détourner d’une véritable relation avec Dieu», répond le bibliste, soulignant que ces deux prophètes ont su mettre en évidence l’écart entre la Création divine et les idoles de fabrication humaine.
«En profitant de cette occasion de se recentrer sur Dieu et sur les autres, on en arrive à ce qui constitue peut-être bien le passage le plus important de toute la Bible: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même.» (Luc 10,27).
Considérée sous cet angle, il estime que la pandémie devient alors une occasion de «revenir à l’essentiel» dans les relations humaines, ce qui se manifeste notamment par un souci particulier pour les plus démunis et vulnérables.
«Il y a définitivement un appel à la solidarité et à la responsabilité envers les autres dans cette crise», croit Francis Daoust.
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