Le rapport commence de manière dramatique: «Nous, les membres de ce grand jury, avons besoin que vous entendiez ceci.»
Essentiellement, au moins 1 000 enfants identifiés dans cette enquête ont été violés dans des lieux de culte catholiques, dans des écoles et dans des véhicules diocésains et ont été entretenus par des programmes et des retraites diocésaines afin de faciliter leur abus. C’est ce qu’a établi un grand jury composé de vingt-trois personnes qui a entendu ces témoignages pendant près de deux ans, après avoir enquêté sur des abus sexuels commis par des membres du clergé pendant sept décennies dans six diocèses de l’État de Pennsylvanie. Leurs conclusions ont été dévoilées le 14 août.
Dans près de 1400 pages, ils décrivent des récits précis sur les abus qui ont commis dans les diocèses catholiques de Pittsburgh, Harrisburg, Allentown, Scranton, Greensburg et Erie.
Ils détaillent les récits qu’ils ont entendus de garçons et de filles dont les organes génitaux ont été touchés, qui ont été violés ou contraints d’exécuter divers actes sexuels. Le rapport indique qu’un prêtre a molesté cinq filles dans une même famille. Dans certains cas, précise le rapport, les filles sont tombées enceintes après avoir été violées. Un prêtre était «devenu irrégulier» après avoir aidé à organiser un avortement pour une mineure qu’il avait mis enceinte.
Certains cas étaient pires que d’autres, précise le rapport, donnant comme exemple le cas d’un garçon qui avait reçu de l’eau bénite d’un prêtre pour lui laver la bouche après avoir demandé au garçon d’effectuer un acte sexuel. Selon le rapport, la plupart des enfants étaient des adolescents et certains étaient des préadolescents.
Les cas présentés proviennent de documents internes mis à disposition par les diocèses, de témoignages de victimes et, à plus d’une douzaine d’occasions, de prêtres qui ont comparu devant le grand jury.
Lorsque les enfants ou leurs familles ont rapporté ce qui s’était passé, «tous ont été repoussés, à travers l’État, par les dirigeants de l’Église qui préféraient protéger les agresseurs et leur institution», indique le rapport.
«Les évêques n’étaient pas seulement au courant de ce qui se passait, ils y étaient plongés. Et ils ont fait de grands efforts pour garder le secret. Le secret a aidé à propager la maladie», indique le rapport.
La plupart des crimes sont trop vieux pour être poursuivis, en raison des délais de prescription, mais «pour beaucoup de victimes, ce rapport est une justice», a déclaré le procureur général de Pennsylvanie, Josh Shapiro, lors d’une conférence de presse le 14 août.
«Nous allons faire la lumière», a ajouté Shapiro. «Nous pouvons dire à nos citoyens ce qui s’est passé.»
Le rapport indique qu’il reconnaît que «beaucoup de choses ont changé au cours des quinze dernières années».
Les membres du grand jury ont déclaré avoir entendu les rapports des six diocèses faisant l’objet de l’enquête, «afin qu’ils puissent nous informer des développements récents dans leurs juridictions».
«En réponse, cinq des évêques nous ont soumis des déclarations et le sixième, l’évêque d’Erie, a comparu devant nous en personne. Son témoignage nous a impressionnés comme étant direct et sincère», ont-ils écrit. «Il semble que l’Église avise désormais les forces de l’ordre plus rapidement des abus. Des processus de révision internes ont été mis en place. Les victimes ne sont plus aussi invisibles. Mais le tableau complet n’est pas encore clair.»
Même si le rapport est long et ses détails douloureux, savoir ce qui s’est passé est «la seule façon de résoudre ces problèmes», écrivent-ils.
Le rapport recommande que la législature de Pennsylvanie abandonne le délai de prescription pour les abus sexuels commis sur des enfants. Ils demandent également une loi sur la «fenêtre civile» qui permettrait aux victimes âgées de poursuivre les diocèses «pour les dommages infligés […] quand ils étaient enfants». Il dit que de meilleures lois pour la «déclaration obligatoire d’abus» sont nécessaires et que l’accord de confidentialité ou les accords de non-divulgation ne devraient pas s’appliquer aux enquêtes criminelles.
Le grand jury a déclaré qu’il gardait à l’esprit qu’il y avait probablement plus de 1 000 victimes identifiées et probablement plus de prêtres agresseurs dont il ne sait rien. Il a identifié 301 prêtres dans le rapport.
«Ce que nous pouvons dire, cependant, c’est que malgré certaines réformes institutionnelles, les dirigeants individuels de l’Église ont largement échappé à la responsabilité publique», indique le rapport. «Les prêtres violaient les petits garçons et les filles, et les hommes de Dieu qui en étaient responsables n’ont non seulement rien fait, mais ils les ont tous cachés. Pendant des décennies, des prélats d’honneur, des évêques auxiliaires, des évêques, des archevêques et des cardinaux ont surtout été protégés. Plusieurs, y compris certains nommés dans ce rapport, ont été promus. Jusqu’à ce que cela change, nous pensons qu’il est trop tôt pour tourner la page sur le scandale sexuel de l’Église catholique.»
Un grand jury ne détermine pas la culpabilité ou l’innocence, mais sa démonstration de preuves peut mener à des accusations criminelles.
Rhina Guidos