En 2010, lors des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, le professeur Jonathan Slater a été bouleversé par l’interprétation faite par la Canadienne k.d. lang (Kathryn Dawn Lang) de la chanson Hallelujah de Leonard Cohen.
«À mon avis, k.d. lang a réalisé, et de loin, la meilleure interprétation de cette chanson de Cohen», a-t-il déclaré le dimanche 19 janvier devant un petit groupe réuni dans les locaux de la Communauté juive de la Rive-Sud.
Passionné depuis par l’œuvre de Leonard Cohen, le directeur du programme des études juives à l’Université de l’État de New York, à Plattsburgh, estime que l’album You Want It Darker, lancé trois semaines avant le décès de l’artiste, ne représente rien de moins que son retour à la spiritualité.
Lors de sa conférence, Jonathan Slater a d’abord rappelé que les origines juives de Leonard Cohen ont «profondément marqué son œuvre».
Élevé au sein d’un famille bourgeoise, petit-fils du rabbin Solomon Klonitsky-Kline avec lequel il a étudié durant une année le livre d’Isaïe, Leonard Cohen apprend l’hébreu et fréquente la synagogue orthodoxe Shaar Hashomayim de Westmount.
Il ajoute que Cohen connaissait aussi fort bien la culture chrétienne, notamment à cause de sa gardienne, une catholique irlandaise, qui l’emmenait à la messe le dimanche matin. «Les thèmes chrétiens seront toujours présents dans l’œuvre de Cohen, dans ses chansons et dans ses poèmes», dit encore Jonathan Slater.
Adulte, l’artiste et poète prendra ses distances «avec les méthodes et les coutumes judaïques», note le conférencier. Leonard Cohen s’est même retiré durant cinq années dans un monastère bouddhiste.
Malgré cela, «pour beaucoup, il n’existe pas d’artiste plus engagé dans le monde spirituel que Leonard Cohen», reconnaît aujourd’hui le conférencier. «Il cherchera toujours à réconcilier le profane avec le religieux, le prophétique avec le mondain.» Jusqu’à la fin de sa vie.
Au terme de sa conférence, Jonathan Slater fait entendre You Want It Darker, la chanson titre du tout dernier album studio de Leonard Cohen. «Vous avez reconnu ces paroles du deuxième couplet?», demande-t-il. «Magnified, sanctified, be thy Holy Name, ce sont les premiers mots du Kaddish», une prière juive récitée notamment lors des funérailles.
«Cette chanson, c’est l’aveu ultime devant Dieu, le viddouï, la confession de Cohen», explique le professeur Slater. «Le viddouï, dans le judaïsme, représente l’admission collective des péchés pour lesquels on demande l’absolution de Dieu».
Dans cette même chanson, Cohen insère aussi des paroles prononcées par Abraham et Moïse. Accompagné de la chorale de la congrégation Shaar Hashomayim, il chante, en guise de refrain, Hineni, I’m ready my Lord – Me voici Seigneur, je suis prêt.
«You Want It Darker, c’est bien le testament final de Leonard Cohen, son retour au bercail spirituel, sa techouva [repentir]», conclut Jonathan Slater.
Leonard Cohen est décédé à Los Angeles le 7 novembre 2016 à l’âge de 82 ans. Quelques jours plus tard, son corps a été inhumé sur le Mont-Royal, au cimetière qui appartient à la congrégation juive qu’il a fréquentée durant sa jeunesse. «C’est le souhait de Leonard d’être enterré selon le rite traditionnel juif aux côtés de ses parents», avaient alors indiqué les dirigeants de la synagogue Shaar Hashomayim.
***